LE COMITÉ DE DISCIPLINE DU GAA L’AVAIT CONDAMNÉ. UN ARBITRE L’A EXONÉRÉ.

(Le 14 septembre 2021) – Victoire totale, en effet, pour Stéphane Lachance, anciennement carrossier et aujourd’hui estimateur qualifié en dommages automobiles de Trois-Rivières, qui avait récemment vu son Certificat de qualification lui être retiré de façon définitive par le Comité de discipline du Groupement des assureurs automobiles (le GAA) à la suite d’une plainte déposée contre lui par Intact Assurance.

Dans une décision rendue il y a quelques jours, un arbitre-réviseur auprès de qui une demande de révision avait été déposée en juillet dernier, a annulé la décision du Comité de discipline du GAA et rejeté la plainte disciplinaire déposée par Intact Assurance. Les frais encourus dans le cadre de cette révision arbitrale devront être assumés par le GAA.

Rappel des faits

En janvier 2020, à la suite d’une collision mineure, la propriétaire du véhicule dépose une réclamation de dommages auprès de son assureur, Intact Assurance, afin de faire réaliser les réparations nécessaires à sa remise en état.

Après inspection par un estimateur à l’emploi d’Intact Assurance, cette dernière déclare « perte totale » le véhicule, une Toyota Prius 2004.

Déçue et insatisfaite, la propriétaire du véhicule décide de poursuivre son assureur devant la Cour du Québec, division des petites créances. Pour soutenir son dossier, elle fait appel à titre de témoin-expert à Stéphane Lachance, carrossier d’expérience, également détenteur d’un Certificat de qualification d’estimateur en dommages automobiles.

Constatant que le Certificat de qualification de Stéphane Lachance est sous le coup d’une suspension temporaire (relativement à des affaires qui n’ont rien à voir avec le dossier qui nous intéresse ici), Intact Assurance dépose contre lui, le 13 mars 2020, une plainte auprès du GAA au motif du non-respect du Code de déontologie des estimateurs en dommages automobiles. Et cela, sans se donner la peine d’entendre au préalable la version ou les explications de la propriétaire du véhicule.

La plainte soutient que Stéphane Lachance a exercé la fonction d’estimateur de façon dérogatoire, qu’il a utilisé indûment un document du GAA afin de faire valoir ses compétences et qu’il a omis d’inscrire son numéro de Certificat de qualification sur un prétendu devis d’estimation qu’il aurait préparé pour sa cliente en vue de ses démarches auprès de la Cour des petites créances.

Lorsqu’une plainte est déposée par un assureur auprès du GAA, le processus prévoit qu’elle doit d’abord être analysée par un « Responsable des plaintes » qui mène une enquête afin de déterminer s’il y a lieu de lui donner suite. Le GAA souligne que le Responsable des plaintes « peut communiquer avec toute personne susceptible de fournir de l’information pertinente au traitement de la plainte et recueillir sa version ».

Encore une fois, on n’a pas cru bon de communiquer avec la propriétaire du véhicule. Le Responsable des plaintes a préféré se contenter de la dénonciation d’Intact Assurance à l’effet que Stéphane Lachance avait commis des fautes déontologiques. Un dossier que l’on peut certainement qualifier de partiel et partial a donc été transmis au Comité de discipline du GAA.

Le verdict du Comité de discipline

Environ un an plus tard, le 13 avril 2021, le Comité de discipline du GAA auditionne les parties. À cette occasion, Stéphane Lachance fait valoir que dans cette affaire, il est intervenu non pas en sa qualité d’estimateur, mais plutôt en tant que carrossier d’expérience en mesure de porter un jugement éclairé et expert sur le caractère réparable du véhicule en cause. Les documents, qu’il a préparés à l’intention de la propriétaire du véhicule pour la soutenir dans sa cause, n’avaient pour unique but que d’illustrer ses connaissances et compétences dans le domaine de la réparation des véhicules automobiles.

Le 25 mai suivant, le Comité de discipline rend une décision impitoyable :

  1. Il déclare Stéphane Lachance coupable d’avoir manqué à ses obligations professionnelles en agissant comme estimateur alors que son permis est suspendu;
  2. Alléguant, comme facteur aggravant, le risque de récidive, la gravité de la faute et le fait que Stéphane Lachance aurait voulu induire en erreur le Comité de discipline en prétendant être carrossier, il ordonne « le retrait complet et définitif » de son Certificat de qualification.

Soulignons ici qu’il est pour le moins bizarre que pour rendre sa décision, le Comité de discipline se réfère, erronément dirons-nous, à la jurisprudence disciplinaire en assurance personnes, plutôt que d’appliquer les règles prévues au Processus disciplinaire des estimateurs en dommages automobiles;

Devant ce verdict qu’il considère aussi infondé qu’abusif, Stéphane Lachance n’a pas voulu en rester là. Comme le prévoit le processus disciplinaire du GAA, et avec le support juridique de Me Estelle Savoie-Dufresne, il s’est pourvu en juillet dernier de son droit de soumettre à l’arbitrage la décision du Comité de discipline. Un arbitre-réviseur a été retenu sans tarder, lequel, après avoir pris connaissance du dossier, a déposé sa décision le 25 août.

La décision de l’arbitre-réviseur

Dans un document concis et précis, faisant largement appel à la jurisprudence, après avoir examiné les faits qui lui sont soumis, l’arbitre renverse la sentence du Comité de discipline et rejette totalement la plainte d’Intact Assurance aux motifs que :

  1. Le Comité n’a pas, comme le prévoit la loi, motivé sa décision En d’autres mots, le Comité de discipline n’a pas su expliquer ce qui l’a amené à la sanction prononcée à l’égard de Stéphane Lachance;
  2. « [A]ucune des explications données par l’Estimateur (…) n’a été retenue ni même considérée par le Comité dans sa décision sur culpabilité, comme si l’Estimateur n’avait pas témoigné ou fait défaut de contester la plainte »;
  3. « [I]l aurait fallu minimalement une analyse du caractère dérogatoire de l’acte posé par l’Estimateur en l’instance »;
  4. « Tout (…) concorde avec le témoignage de l’Estimateur à l’effet qu’il agissait en l’espèce à titre d’expert et non à titre d’estimateur de dommages automobiles ».

Le jugement est sans détour. La décision de l’arbitre-réviseur est sans appel.

En conclusion

À la suite de cette affaire dont on peut qualifier l’origine de désolante, nous, du Mouvement carrossier du Québec, ne pouvons qu’être heureux de sa conclusion appropriée. Nous espérons qu’elle aura des effets bénéfiques sur les relations souvent difficiles entre, d’une part, les assureurs automobiles et le Groupement des assureurs automobiles et, d’autre part, les divers intervenants de notre industrie. Plus d’ouverture, moins d’arrogance et, chez certains assureurs, l’abandon des petites interventions vengeresses, seraient fort souhaitables et bienvenues.

Je vous transmets mes salutations les meilleures.

Jacques Généreux,

Président du Mouvement Carrossier du Québec