UN SONDAGE QUI NE RÉVÈLE PAS GRAND-CHOSE …

(22 mars 2022) – Vous avez probablement lu la dernière édition d’Autosphere Mag. À la toute fin du numéro, on y consacre trois longues pages sur un sondage portant sur les relations entre les ateliers de carrosserie et les compagnies d’assurance automobile auquel auraient participé quelque 200 carrossiers du Québec. Si vous n’avez pas eu l’occasion de le lire, voici le lien vers le magazine. Les textes sur le sondage sont à la toute fin du numéro :
https://fr.calameo.com/read/0014923450bcc9f1ce881?utm_source=Autosphere+Mag+fev+2022

Que nous révèle ce sondage réalisé à l’initiative de la Corporation des carrossiers professionnels du Québec (CCPQ) ? Vraiment pas grand-chose de nouveau. En fait, le sondage ne fait que confirmer des réalités connues de tous depuis archi-longtemps. Quand j’ai commencé dans le métier, au début des années 1990, le portrait était le même. Depuis, on a beaucoup parlé, mais peu agi.

Ainsi, le sondage a « découvert » que la relation commerciale « très fragile » entre les carrossiers et les assureurs est à sens unique (dans le sens des assureurs vers les carrossiers, évidemment !). On nous dit aussi que « les carrossiers n’ont pas l’impression que les assureurs comprennent leur réalité et qu’ils les traitent comme s’ils étaient leurs employés ». Pas besoin d’être grand devin pour savoir ça, on le vit de jour en jour ! …

Constatons que le sondage, je dirais plutôt coup de sonde, demeurait plutôt en surface des problèmes, puisqu’il ne contenait qu’une douzaine de questions. Tant qu’à y être, il me semble qu’il y aurait eu des choses plus importantes à sonder que d’aller savoir quels assureurs automobiles étaient nos principaux donneurs d’ouvrage.

(J’ouvre ici une courte parenthèse : les assureurs NE SONT PAS nos donneurs d’ouvrage. Ce sont les assurés qui sont nos donneurs d’ouvrage. Les assureurs ne sont que des intermédiaires. Ce n’est pas pour rien que l’Autorité des marchés financiers a rappelé aux assureurs que les assurés ont le libre choix de leur atelier de réparation …)

Quand même, le sondage a au moins le mérite, si besoin était, de souligner une fois de plus nos relations difficiles avec les assureurs.

Ainsi, les carrossiers qui ont répondu aux diverses questions ont-ils déploré :
· l’absence d’une véritable relation de confiance entre assureurs et carrossiers;
· la mauvaise compréhension des assureurs, leur peu de rigueur, j’oserais dire leur peu d’intérêt, vis-à-vis l’importance d’effectuer des réparations dans les règles de l’art, telles que prescrites par les constructeurs;
· l’incohérence des méthodes de calcul d’un assureur à l’autre et l’absence de grilles uniformisées;
· l’inconsistance des liens et des relations avec les experts en sinistre;
· le manque de clarté des indicateurs de performance …

C’est sans grande surprise également que le sondage nous « révèle » que les carrossiers constatent « l’écart grandissant entre les exigences des assureurs et leur refus d’ajuster les compensations ou le taux horaire en conséquence ».

Effectivement, nous vivons tous péniblement ces exigences de plus en plus lourdes imposées par les assureurs :
· contraintes administratives sans cesse augmentées;
· consignes opérationnelles multipliées;
· devis de réparation non rémunérés (alors que la loi prévoit qu’ils devraient être faits par des centres d’estimation indépendants);
· estimations à distance par imagerie (prises de photo aux frais de l’atelier, ce qui pose à la fois la question de l’indépendance de l’estimateur et la solidité éventuelle de la preuve en cour de justice);
· véhicules de courtoisie aux frais de l’atelier (en Saskatchewan, c’est un service facturé 75,00$ par jour à l’assureur, rien que ça !) …

Et pour couronner le tout, des taux horaires consentis par les assureurs qui sont constamment compressés et qui, au cours des ans, sont loin d’avoir suivi le taux d’inflation. Avec une inflation en hausse de mois en mois et qui atteint maintenant 5,7%, la situation devient critique … Ensuite, on se demandera pourquoi notre industrie connait une grave pénurie de main-d’œuvre et une inquiétante absence de relève …

Dans son analyse du sondage, le président exécutif de la CCPQ, Michel Bourbeau, doit admettre, sans doute à son corps défendant, que de nombreux carrossiers veulent des changements significatifs, et qu’ils sont rendus « à un point où ils sont prêts à entreprendre des actions plus percutantes ».

Optimiste, monsieur Bourbeau souhaite quand même « préserver des relations les plus harmonieuses possible avec leurs partenaires assureurs » …

Pour ma part, bien que je n’aie rien contre des relations cordiales avec les assureurs, je préfère être réaliste. Les assureurs automobiles NE SONT PAS nos partenaires. Si nous étions de vrais partenaires, nous aurions une relation d’égal à égal. Et vous conviendrez avec moi que ce n’est pas le cas.

Les assureurs forment, sous le parapluie du GAA, un oligopole qui, parce qu’il représente de 95% à 98% de nos chiffres d’affaires respectifs, nous impose ses tarifs, sa façon de voir et sa façon de faire.

Tant que notre industrie ne se prendra pas en main, tant que nous ne passerons pas d’une industrie dépendante à une industrie « in-dépendante », les choses ne changeront pas.

Il y a quelque temps, alors que je déplorais devant des représentants du ministère québécois des Finances les pressions et compressions constantes qu’exercent les assureurs automobiles sur les ateliers de carrosserie, ceux-ci m’ont alors rétorqué qu’ils entendaient bien mon message mais que leur principal objectif était de maintenir les primes d’assurance automobile au plus bas …

Je suis certain que vous êtes d’accord comme moi avec cette noble ambition. Mais il est injuste et intolérable que pour y parvenir ce soit nous, au bout de la ligne, qui soyons pressés comme des citrons … Il est plus que temps de voir à nos affaires.

Sur ce, je vous transmets mes salutations les meilleures.

Jacques Généreux,
Président du Mouvement Carrossier du Québec